Au restaurant “Mazerand” à Lattes
Année heureuse, 1989 le fut dans le monde du vin par l’évolution des prix à la hausse. Quant au climat tous les professionnels et journalistes qui participèrent au salon Vinexpo de juin 1989, se souviennent encore de la chaleur torride qu’ils endurèrent dans le parc des expo, il fut décidé alors de climatiser les immenses bâtiments. À de rares exception près, partout ce millésime laissa le souvenir d‘une année réussie et sans entraves. Toutefois, ce millésime heureux ne fut pas celui d’un bonheur béat et irresponsable. Si la qualité et la quantité firent bon ménage, les meilleurs résultats furent obtenues par les vignerons soucieux de maîtriser les rendements. Les plus grandes réussites générales d’appellations sont à noter en Loire aux liquoreux d’anthologie, en Bourgogne blanc et en Sauternes où les vins déjà splendides ont un avenir radieux.
Cette dégustation fut consacrée aux vins rouges de toutes régions de France, non carafés, désignés dans cet ordre par tirage au sort et servis en aveugle, en verre Spiegelhäu “Authentis”.
Château Chasse Spleen Moulis – crus bourgeois
La robe est belle d’un grenat pourpre foncé, bordée d’orange. Le nez discret s’ouvre doucement sur des notes tertiaires de fruits cuit, de cuir, de vieux livre, de sous bois humide. La bouche est ronde riche assez évolués aux arômes de fruits noirs et de cuir, longueur moyenne, cette bouteille fut mieux appréciée voilà un an… à revoir.
Villa Bianca d’Alba Barolo
Voila une bouteille qui ne nous réconciliera pas avec les vins du Piémont italien aussi grands et aussi chers soient-ils! La robe orangée légère trahie indéniablement ces 14 ans. Le nez expose quelques notes de chocolat, de rhum et de cerise blanche. Si la bouche paraît équilibrée, c’est avec un manque d’ampleur, une maigreur décourageante pour nos palais gaulois… Certains y ont trouvé de l’élégance mais cela semble franchement insuffisant pour justifier les 30 euros payés il y a 3 ans pour acquérir cette bouteille.
Domaine Hubert de Montille “les champans” Volnay 1er Cru
Reconnu pour faire des vins en finesse plutôt qu’en puissance, ce Volnay d’Hubert de Montille a séduit l’assemblée. Si la robe se présente d’un grenat peu intense comme le sont la plupart des Côtes de Beaune, le nez a exercé sur nous un pouvoir fascinant fait de parfums de fruits rouges très mûrs, de cuir noble, d’herbes humides, d’épices exotiques. L’attaque en bouche s’est révélée franche et ronde en laissant très vite des notes marquées d’acidité. Les arômes fruités et animal ont perduré sur des tanins tout en élégance et fraîcheur. D’une longueur moyenne, c’est un vin qui devrait savoir se tenir devant une volaille aux champignons ou autres viandes blanches en sauces
Domaine du Vieux Télégraphe Châteauneuf-du-Pape
Ensoleillé comme on les aime, le fameux vin de Bédarides s’est révélé comme une véritable sensation de plaisir gastronomique. Suite à la belle robe d’un grenat intense et profond, le bouquet puissant s’impose dans le verre par une myriade d’arômes gourmands, viande marinée, laurier, chocolat, écorce d’orange, fruits des bois… en bouche la rondeur l’emporte, la structure solaire s’équilibre sur une sensation agréable de fraîcheur et de tanins élégants, pas de chaleur intempestive; fruits et épices de garrigue restent en souvenir. Miam !
Prieuré Saint Jean de Bébian Coteaux du Languedoc
Le fameux vins de Pézenas reste toujours gravé dans la mémoire des amateurs languedociens et cette bouteille a apporté encore matière à souvenirs gourmands. Son aspect grenat pourpre orangé est parfait, son bouquet développe de riches senteurs de griottes, de cacao, d’écorce d’agrume, de cartable en cuir. Rond et fin , c’est en bouche qu’il marque sa superbe par l’élégance des ses tanins et la finale aromatique harmonieuse.
Château Léoville-Barton Saint Julien – grand cru classé Trouver ce vin
Ce fut la vedette de la soirée, ce Médoc enchanteur a su envoûter le palais de tous les dégustateurs qui ont senti en lui l’expression pure d’un grand vin évolué à parfaite maturité. Habillé en tenue de soirée d’une robe pourpre-noir brillant, le vin exhale un bouquet remarquable et puissant de cuir neuf, de chocolat amer, de viande grillée sur bois de cèdre, de cerise et myrtille confiturées, d’épices douces. La bouche est délicieusement ample et ronde, débordant de fruits, d’arômes tertiaires tels que cèpes cuisinés, crème au chocolat, havane… la longueur est réjouissante. Bravo! Achetée à bas prix dans les foires aux vins des années 90 cette bouteille est aujourd’hui introuvable à prix décent. Que n’en n’avons nous pas plus profité!
Château Lastours “Simone Descamp” Corbières
Dur! dur ! de passer après un tel monstre… mais “Simone” s’en ai bien sorti. Son bouquet puissant et complexe joue dans les notes rustiques de cuir, transpirations, fruits noirs en compote, caramel, pâtisserie, orange confite. La bouche reste équilibrée avec une rondeur ensoleillée, teintée d’arômes de pruneaux et cerises aux chocolat. Madame Descamp 89 est aujourd’hui une vieille dame élégante à l’esprit alerte et d’une jeunesse grivoise. Certains (dont moi) ont beaucoup aimé ce vrai carignan.
Château des Estanilles “syrah” Faugères
Mestre Louison a clôturé en beauté cette belle série de rouge par sa “syrah” toujours aussi délicieuse. L’effet cépage a laissé place aujourd’hui aux notes de terroirs et d’évolution classique. Le bouquet est intense, marqué par le fruits et les parfums culinaires, la bouche est fine et ronde, élégante et souple comme une acrobate de cirque en tutu sur un éléphant débonnaire!
Nous avons aussi dégusté:
Château Montredon Châteauneuf-du-Pape (blanc)
Remarquable par son équilibre et ses notes ouvertes de fruits blancs aux sirops et de garrigue.
Château de Fargues Sauternes
Voilà un admirable Sauternes au classicisme fascinant. Tout est là dans dans ce qui pourrait être le vrai dauphin d’Yquem.