La Route du Vin 2022 : de Valflaunès à Montpellier en passant par Frontignan (épisode 3)

 

       Que l’on vienne de Béziers, que l’on arrive de Nîmes, que l’on navigue au large de Carnon, ou que l’on se promène simplement près du château d’eau sur la place royale du Peyrou, on peut distinguer une chose énorme surgissant à l’horizon, un bloc pierreux colossal, une masse pointue, une colline fantastique, un massif gigantesque que tout le monde connait…
       Le Pic-Saint-Loup, c’est la montagne préférée des Montpelliérains, comme la Sainte-Victoire, pour les Aixois, le Canigou pour les perpignanais, le Vésuve pour les napolitains… Il est incontournable.  

     De plus une belle légende entoure ce pic majestueux. Comment, vous ne la connaissez pas ?… Et bien la voici.

        Cela se passe au Moyen-âge aux temps des preux chevaliers et des douces princesses. Trois frères surnommés Guiral, Clair et Loup tombent tout trois, éperdument amoureux d’une seule et unique personne, la belle Irène, qui vit seule dans un grand château qu’elle détient de feu son père. On ne connait pas vraiment le nom de famille et le les endroits précis où vivaient les protagonistes de cette histoire car les légendes ont pour essence de rester imprécises, de garder un certain mystère et de changer au grès des siècles selon ceux qui les transmettent.

      Or donc, les trois frères s’ouvrent à la douce Irène offrant cadeaux précieux, fleurs, parfums, poèmes… De son côté, la belle est ravie mais un peu ennuyée et hésite à choisir à quel de ses prétendants elle donnera son cœur et son patrimoine ! Ce sera donc le plus courageux et le plus vaillant qui se présentera à elle au retour de croisade en terres hérétiques. Les trois garçons organisent leur équipage et partent sur le champ. Mais la route est longue, dangereuse vers les pays infidèles, les batailles rudes et difficiles. Les années passent et la belle se languit de ses prétendants.  Coup du sort, un troubadour qui passait au manoir diffuse une fausse nouvelle. Ô misère ! Les trois chevaliers sont morts. Irène ne peut le supporter et à son tour, meurt de chagrin.
 
     De retour de campagne, auréolés de gloire, les trois gaillards sont effondrés. Fous de chagrin, ils se retirent du monde et vivent en ermite au sommet de trois collines de la région. Chaque année ils allument un feu à leur sommet en souvenir de leur bien-aimée. Le premier feu brille face à la mer, le deuxième un peu plus au nord près de l’aigoual et le troisième au milieu des garrigues. Avec le temps les feux ne s’allument plus, les chevaliers disparaissent un a un. Mais ils ne sont as oubliés, en hommage leurs noms sont attribués aux fameuses collines qu’ils occupèrent : Le mont Saint-Clair qui domine la ville de Sète, le rocher Saint-Guiral, dans le Gard et notre Pic Saint-Loup !

     Mais revenons à notre sujet…

     De Lunel au Pic Saint-Loup, la route n’est pas bien longue. La voiture prend la direction du nord-ouest par la jolie D 54, joli ruban ombragé de platanes qui traverse entre vignes et pinèdes, les villages de St-Geniès des Mourgues, St-Drézéry et St-Bauzille de Montmel. L’air est frais et la garrigue exhale déjà ses parfums d’aromates enoleillés. Toutes vitres ouvertes, nous goûtons avec émotions les senteurs de la nature qui s’ouvre au printemps. 
 
    Un petit détour nous fait obliquer par Claret, comme un passage obligé dans notre voyage. C’est ici, dans le petit cimetière du village, que repose Maurice Chauvet décédé à l’âge de 74 ans. Nous sommes venus lui rendre un petit hommage,  car sans lui et sans son livre nous ne serions certainement pas là, à vivre et profiter des paysages, des vins et de l’accueil tellement sympathique des vignerons.
Après un moment de recueillement,  sous le cyprès odorant, dans le silence du lieu agrémenté juste de douces stridulations d’un criquet, je me lance dans un petit discours par la lecture de quelques lignes de Jean Giono tirées de la préface du livre…
        « … Or, maintenant regardons le pays ! Ce sont plaines et coteaux, et vignes, et blé et vignes, et champs et vignes et fleuve dans des palissades de vigne, et collines couvertes de vignes jusqu’au sommet ; et routes circulant dans le crépitement des ceps et villages cernés de villes et fermes submergées de vignes… Le long des chemins les raies de vignes s’ouvrent comme les tranches d’un éventail découvrant cette terre d’ocre blond sur laquelle les ceps ont pleuré et de laquelle monte la sève chaude et gaillarde… »

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Mas de Fournel

      Cet homme est incroyable !…

      Il vient doucement à votre rencontre depuis sa cave dans la cour du domaine où siègent un imposant tracteur, des outils de la vigne, quelques bouteilles vides. Lorsqu’il passe devant le solide mur de la bâtisse, en pierres d’un autre siècle, percé de volets bleus à la Matisse, on se dit, « Voilà un homme qui ne paie pas de mine » (J’espère que Gérard ne m’en voudra pas d’écrire de lui « qu’il ne paie pas de mine » !). Mais derrière cet air bonhomme vit un sourire omniprésent et radieux, une joie de vivre énorme, une énergie hors du commun, une beauté sublime, donnés par l’amour du travail, de l’effort, les idées d’entreprise, la générosité, la gentillesse, le savoir-vivre, la simplicité. Des éléments qui font que l’on se dit « Voilà quelqu’un que j’aimerais avoir pour parent… », « Quelqu’un que j’aimerai pour ami… ».
     Il se trouve donc que Gérard Jeanjean est vigneron au Pic-Saint-Loup. Son chemin est assez original, pour ne pas dire extraordinaire. Son premier métier, c’est transporteur. Conduire des camions, porter jours après jours, des citernes de vin et autres liquides, lui a fait sillonner à peu près toutes les routes de France. En 1976, il a 66 ans, l’âge à auquel, en général, on pose ses valises, on se dit qu’il serait temps de s’assoir sur le canapé ou sur la chaise longue à écouter les cigales en dégustant un petit verre de blanc, Gérard n’en a que faire, il reprend le domaine viticole familial et va produire des vins mémorables.

     Nous sommes au Mas de Fournel. Situé à Valflaunès sur la route qui monte à Pompignan, le domaine est entouré de vignes superbes, très bien tenues et de pinèdes au pied de l’Hortus. On y trouve de vieux grenache, mourvèdre, carignan mais aussi des plantations récentes. Lors de notre dernière rencontre, Gérard me confiait : «  Daniel, tu vois cette parcelle, je vais y planter des syrah… ! » incroyable à 92 ans !

Ces vins sont comme lui, généreux, ronds, savoureux, puissants, élégants, fruités, classiques et tout à fait dans l’air du temps. Il a abandonné l’élevage en barriques depuis plusieurs années, plus de bois dans ses vins et on s’en réjouit.
     Gérard offre, aux visiteurs du domaine, son temps, son sourire, sa bonne humeur, simplement. Sa cuvée « Pierre » en AOP Pic-St-Loup composée de syrah, est de toute beauté. D’une robe noire d’encre, au nez puissant d’épices, d’olives et de fruits noirs, à la bouche voluptueuse, enrobante et longue, longue…
      Lorsque le millésime le permet, Gérard produit quelques bouteilles de la cuvée « Nombre d’Or».  Quand le cas se présente,
on peut en trouver au domaine, il faut se précipiter ! C’est un mourvèdre redoutable et magique. Un des plus grands vins du Languedoc, sans aucun doute !
  Gérard est né en 1930, il a donc 92 ans aujourd’hui et toujours « Bon pied bon œil ! ». Il vient de concevoir une nouvelle cuvée en blanc issue de vermentino, fraîche et fruitée, idéal pour recevoir les amis à l‘apéritif, à boire sur la chaise longue !  Mais notre homme n’en a pas fini,  il imagine de nouveau projet : une terrasse pour améliorer son espace de dégustation, un héliport pour les amis qui viennent le voir en hélicoptère, quelques chênes pour avoir des truffes à Noël… Il pense à l’avenir Gérard, il est immortel !

Mas de Fournel à Valflaunès   –  04 67 55 22 12

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Domaine Mirabel

        A la limite nord de l’appellation Pic Saint-Loup, deux sympathiques frères dirigent leur domaine en culture bio, il s’agit de Vincent et Samuel Feuillade.
      Pas forcément connu du grand public, et pourtant… Les cinq vins du domaine sont remarquables et possèdent fraîcheur, finesse et élégance, des qualités encore trop rares en Languedoc. S’il y a une cuvée qu’il ne faut pas rater et pour laquelle on peut « faire des kilomètres » c’est la cuvée « Les éclats ». Ses caractéristiques : du fruit, du fruit, du fruit !
      Avec un large sourire communicatif et la joie de partager leurs cuvées, Samuel et Vincent accueillent les amateurs directement dans la cave. Et le plaisir est toujours au rendez-vous !

      Domaine Mirabel « les éclats » AOP Pic-Saint-Loup 2020

       Tandis que sa robe nous séduit littéralement par sa couleur rubis foncé aux tendances violines, le bouquet puissant aux parfums de fruits et d’épices douces, de cacao, de réglisse, de violette nous transporte dans le maquis méditerranéen… On adore !
      La bouche, bien que juvénile, offre toute la plénitude et l’équilibre des meilleurs. Sa fraîcheur nous ravit, son expression juteuse de fruit nous emballent, ses tanins bien présents mais fins et soyeux forcent l’admiration et sa finale nous fait penser qu’on est heureux d’être dans ce monde pour apprécier de tels plaisirs !

Domaine Mirabel « Les éclats » Pic Saint-Loup 2020 et « Une vue du Pic Saint-Loup » de Vincent Bioulès

Domaine Mirabel à Brouzet-les-Quissac  –  06 22 78 17 47

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Mas de Daumas Gassac

        Dans la campagne reculée d’Aniane, en bordure du ruisseau Gassac, existe un moulin qui aurait dû finir en ruine ou reconstruit en villa de vacances. Or, il y a cinquante ans un industriel, descendu de son Aveyron natal, s’y est installé pour se lancer dans un défi extraordinaire : faire un grand vin en Languedoc (chose impensable en 1970).
       L’aveyronnais s’appelait Aymé Guibert, le défi s’appelait Mas de Daumas Gassac. Prenant conseil auprès des spécialistes, allant chercher des plants des vignes non clonées dans les domaines les plus renommés, il ose vendre son premier millésime 1978 pour la somme fabuleuse de 50 francs la bouteille de vin de table ! Tout le monde l’a pris alors pour un doux rêveur, voir pour un fou furieux ! Que de courage, que d’intuition, que de persévérance il lui a fallu pour placer son magnifique rouge et son génial blanc au firmament des grands vins de France.
        Aymé est parti en 2016, aujourd’hui, ces fils sont aux commandes et maintiennent au plus haut niveau de qualité les vins du petit moulin au bord du Gassac, aujourd’hui réputés dans le monde entier.
 
       Merci M. Guibert et à votre famille, vous avez ouvert la route, tracé le chemin pour les vignerons du Languedoc qui ont osé relever la tête.


        Mas de Daumas Gassac – IGP Saint-Guilhem le Désert – Pays d’Aniane (blanc) 2020

        Drapée d’une scintillante robe doré pâle, le grand blanc du domaine se dévoile au nez par une « foultitude » de parfums aussi frais, naturels et agréables les uns que les autres. Les notes fruitées de poire William, de pêches, d’agrumes en sorbet s’ajoutent à celles de chèvrefeuilles, de rhubarbe, de miel… Cette même palette s’étire longuement sur le palais dans un ensemble rond, opulent, pour un vin tout en finesse et élégance.   

Mas de Daumas Gassac à Aniane   –  04 67 57 71 28

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Château de La Peyrade

         D’un vignoble en piètre état et d’une bâtisse du XVIIIe noble mais «fatiguée» acquis par leur père en 1977, les frères Bruno et Remy Pastourel ont réalisé un domaine superbe, un bijou dans un écrin de vigne. Par leur courage, leur ténacité et leur esprit d’entreprise, ils ont fait du Château de La Peyrade le porte-drapeau de la qualité du Muscat de Frontignan. La « Cuvée Prestige » est une merveille de fruit et de fraîcheur qui peut faire l’objet d’un bel apéritif ou accompagner aussi bien foie gras, Roquefort ou desserts aux fruits… Bravo l

    De plus, Bruno Pastourel a la fabuleuse idée de garder quelques bouteilles bien rangées au fond de sa cave et de les ressortir pour dégustées et misent en vente 10 ans plus tard. C’est le cas du 2011 que nous avons goûté !…

     Chateau de La Peyrade – AOP Muscat de Frontignan 2011.

      Le vin arrive sur sa onzième année d’où sa robe dorée soutenue mais parfaitement brillante. D’abord sur sa réserve, le nez révèle après aération le fruité de l’abricot, la douceur de l’angélique, la puissance de l’ananas confit pour former un bouquet élégant qui réjouit l’amateur, qu’il soit « aficionado » de muscat ou non !
La bouche confirme cette impression de finesse et de rondeur. Son touché de velours, sa fraîcheur diffuse, ses arômes enivrants, sa belle finale sur les fruits secs font de ce muscat , un grand vin de dessert.

Tartelettes framboises  et composition de Suzanne Ballivet « Vendanges en Languedoc »
(page 120 du livre « la Route du vin »)     

    Avec une tartelette aux framboises, l’accord semble tout à fait satisfaisant. La finesse du fruité de la framboise s’exprime sans être étouffé par les arômes confits du vin, les deux trouvent leur place. Grâce à sa fraîcheur et ses arômes tempérés, le muscat accompagne naturellement le dessert. Mais plus qu’avec les framboises fraîches et parfumées qui le surmontent, c’est avec la pâte sablée croquante et la crème pâtissière délicatement aromatisée à la vanille que le vin dialogue…
     Installées aux premières loges, les papilles profitent de ces échanges charmants !

Château de La Peyrade à La Peyrade  –  04 67 48 61 19

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La Réserve Rimbaud

       Installé sur les bords du Lez, à moins d’un kilomètre du Corum, on se croirait un dimanche à la campagne ! Depuis 1875, le restaurant fondé par Titus Rimbaud, offre aux montpelliérains un havre de paix et de bonheur gastronomique depuis que Charles Fontès a pris la direction du bel établissement, couronné d’une étoile au Guide Rouge. Luxe bucolique, calme, sérénité et cuisine de haut niveau sont les atouts de ce restaurant, que tout gastronome est tenu d’avoir « fait » au moins une fois dans sa vie !
      Lors de leur périple et sans hésitation, Maurice Chauvet invite son comparse pour un déjeuner à Rimbaud afin de gouter aux excellentes croquettes qui faisaient alors sa réputation, ils en dégustent deux assiettes accompagnées d’une pelure d’oignon de Marseillan ! Et par un pur hasard, ils y croisent le poète Valéry Larbaud attablé en terrasse, en élégantes compagnies.
     « … De la terrasse dont les platanes trouent le sol et plaquent sur les nappes blanches les taches d’ombre bleue de leur feuillage, on voyait la rivière dessiner sa course entre les joncs, étalant son plan d’eau vers le moulin de l’Évêque où des arbres olympiens frémissaient déjà à la brise de mer… » (1) 
    Depuis, l’endroit est toujours aussi agréable, rien n’a vraiment changé à La Réserve Rimbaud,  si ce ne sont : « … Ces après-midi d’été où les naïades aux beaux corps bronzés éclaboussaient d’écume et de lumière les larges feuilles de nénuphars.» (1)

(1) Maurice Chauvet page 55 et 56 du Livre « La Route du Vin »

Composition de Suzanne Ballivet  « Au bord du Lez en 1900… » 
(page 56 du livre « la Route du Vin »)

La Réserve Rimbaud à Montpellier – 04 67 72 52 53

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La route du Vin 2022 est à suivre tous les dimanches du mois de juillet et d’août,
 
dans la page région de Midi Libre

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